Publié le 16 août 2024

Loin d’être un simple accident historique lié à une reine, la conquête mondiale de la pizza est l’épopée d’un savoir-faire né de la nécessité : la Cucina Povera. Cet article raconte comment ce système culinaire adaptable, transporté par la diaspora italienne, a trouvé une seconde patrie au Canada. Il y a non seulement préservé son âme authentique, mais a aussi inspiré des innovations locales, prouvant que la pizza est moins un plat figé qu’une puissante icône culturelle en constante évolution.

La pizza est plus qu’un simple plat ; c’est une expérience universelle. Qu’on la partage entre amis un vendredi soir ou qu’on la savoure sur une place animée à Naples, elle évoque instantanément l’Italie. Beaucoup connaissent l’anecdote charmante de la reine Margherita, pour qui un pizzaiolo aurait créé une pizza aux couleurs du drapeau italien. Cette histoire, bien que séduisante, n’est que la partie visible d’un iceberg culturel bien plus profond et complexe. Elle masque l’origine véritable de la pizza : un symbole de résilience et d’ingéniosité né dans les rues pauvres de Naples.

Cet article propose de dépasser le mythe pour explorer le véritable moteur de son succès planétaire. Et si la clé de cette conquête n’était pas une recette, mais une philosophie ? Nous plongerons dans l’histoire de la Cucina Povera, le « génie de la nécessité » qui a permis à la pizza de voyager. Nous suivrons les pas de la diaspora italienne qui, en l’emportant dans ses bagages, l’a offerte au monde, notamment au Canada, où son histoire a pris des tournures fascinantes. De la première pizzeria de Montréal aux débats sur l’ananas, nous verrons comment ce plat est devenu un terrain de jeu entre tradition et innovation. Nous verrons comment la pizza est devenue un véritable drapeau comestible, symbole d’une identité qui se mange et se partage.

Pour une immersion visuelle dans le berceau de la pizza, la vidéo suivante vous transporte au cœur de Naples, complétant parfaitement le voyage historique et culturel que nous allons entreprendre.

Ce guide retrace l’épopée de la pizza, de ses origines modestes à son statut d’icône mondiale, en explorant son lien profond avec l’identité italienne et son adaptation fascinante au contexte canadien.

La véritable histoire de la pizza Margherita : entre mythe et réalité

L’histoire la plus célèbre sur la pizza est sans doute celle de sa rencontre avec la royauté. En 1889, le pizzaiolo Raffaele Esposito aurait été convoqué pour préparer une pizza pour la reine Marguerite de Savoie, en visite à Naples. Pour honorer la souveraine et le drapeau italien, il aurait créé une pizza garnie de tomate (rouge), de mozzarella (blanc) et de basilic (vert). La reine, enchantée, aurait donné son nom à cette création : la pizza Margherita. Cette histoire, parfaite pour le marketing, a fait le tour du monde et a solidement ancré la pizza dans l’imaginaire collectif comme un plat patriotique.

Pourtant, cette légende occulte une réalité bien plus riche. Des documents attestent que des pizzas garnies de tomate, de mozzarella et de basilic existaient à Naples bien avant 1889. La pizza était déjà la nourriture de rue par excellence, un plat simple, rapide et nourrissant pour les classes populaires. Le véritable génie n’est pas celui d’un seul homme, mais celui d’un peuple. Comme le souligne l’Associazione Verace Pizza Napoletana, gardienne de la tradition, l’authenticité du plat ne vient pas d’un inventeur unique. Une analyse anthropologique publiée dans le CNRS Le Journal cite l’association en ces termes :

La pizza ainsi labellisée n’a pas d’inventeurs, ni pères et ni patrons, mais est le fruit de l’ingéniosité du peuple napolitain.

– Associazione Verace Pizza Napoletana, CNRS Le Journal – Analyse anthropologique

Le mythe de la Margherita n’est donc pas l’acte de naissance de la pizza, mais plutôt son baptême officiel, une reconnaissance qui a contribué à la faire passer du statut de plat de pauvre à celui d’emblème national. C’est une brillante opération de communication qui a pavé la voie à sa future conquête mondiale, mais ses racines plongent dans un terreau bien plus humble et fondamental : la Cucina Povera.

La « Cucina Povera » : le génie de la cuisine italienne né de la nécessité

Le secret de la résilience et de l’universalité de la pizza ne réside pas dans une recette, mais dans une philosophie : la Cucina Povera, ou « cuisine pauvre ». Loin d’être péjoratif, ce terme décrit un art culinaire né de la nécessité dans les régions rurales et pauvres d’Italie. Son principe est simple : ne rien gaspiller, utiliser des ingrédients locaux, bon marché et de saison, et transformer le peu que l’on a en quelque chose de délicieux. La pizza, avec sa base de pâte, sa sauce tomate et le peu de garniture disponible, est l’incarnation parfaite de cette philosophie.

Ce « génie de la nécessité » est ce qui a rendu la pizza si exportable. Les immigrants italiens, partant avec peu de choses, emportaient avec eux ce savoir-faire. Ils savaient comment créer de la saveur à partir de presque rien. Au Canada, cette mentalité a trouvé un écho particulier. L’histoire de la famille Saputo à Montréal en est un exemple poignant.

Étude de cas : Saputo et l’esprit de la Cucina Povera à Montréal

En 1954, Lino Saputo et sa famille, fraîchement arrivés d’Italie, fondent une petite fromagerie à Montréal. Avec les moyens du bord, ils commencent à produire de la mozzarella. Lino livre lui-même les fromages frais aux pizzerias locales, souvent tenues par d’autres immigrants italiens, en utilisant son propre vélo. Cette anecdote, rapportée dans l’étonnante histoire de la pizza par Saputo Foodservice, illustre parfaitement comment la Cucina Povera s’est adaptée. Les immigrants n’ont pas seulement importé un plat ; ils ont recréé un écosystème économique et culinaire basé sur l’entraide et l’ingéniosité.

Cette approche trouve un parallèle intéressant avec la cuisine québécoise traditionnelle, elle aussi façonnée par des contraintes, bien que différentes. Le tableau suivant met en lumière ces deux philosophies culinaires nées de contextes distincts mais partageant un fond de pragmatisme et de réconfort.

Philosophie culinaire : Cucina Povera italienne vs Cuisine traditionnelle québécoise
Aspect Cucina Povera italienne Cuisine québécoise traditionnelle
Origine Nécessité économique Adaptation aux hivers longs
Principes Anti-gaspillage, saisonnalité Conservation, réconfort
Plats iconiques Pizza, pasta e fagioli Tourtière, pâté chinois
Ingrédients clés Tomate, huile d’olive, pâtes Pommes de terre, porc, légumes racines

Comment les immigrants italiens ont offert la pizza à l’Amérique (qui l’a bien changée)

À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, des millions d’Italiens, principalement du sud, ont émigré vers les Amériques en quête d’une vie meilleure. Dans leurs bagages, ils ont emporté leurs traditions, leur langue, et bien sûr, leurs recettes. La pizza, plat humble et réconfortant, est devenue un symbole de leur identité dans leur nouvelle patrie. C’est dans les quartiers italiens des grandes villes comme New York, puis Montréal, que la pizza a commencé sa seconde vie.

Au Canada, la pizza est restée longtemps confinée à la communauté italo-canadienne. Le tournant a eu lieu après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les soldats de retour d’Italie ont popularisé ce plat qu’ils avaient découvert. Selon les archives, la première pizzeria du Canada ouvre ses portes en 1948 à Montréal : la Pizzeria Napoletana. C’est le début d’une véritable histoire d’amour entre le Canada et la pizza.

Scène de rue du quartier italien de Montréal dans les années 1950 avec une pizzeria traditionnelle

Mais en s’exportant, la pizza s’est inévitablement transformée. Confrontés à de nouveaux ingrédients, à de nouveaux goûts et à une nouvelle culture de consommation, les pizzaiolos ont fait preuve d’une formidable capacité d’adaptation, une caractéristique de cette diaspora créative. L’exemple le plus célèbre, et le plus controversé, de cette adaptation est né au Canada.

L’invention canadienne qui a divisé le monde : la pizza hawaïenne

En 1962, à Chatham, en Ontario, le restaurateur Sam Panopoulos, d’origine grecque, a l’idée d’ajouter des morceaux d’ananas en conserve et du jambon sur une pizza. Il baptise sa création « hawaïenne », du nom de la marque des ananas. Il ne se doute pas alors qu’il vient de créer un plat qui allait générer des décennies de débats passionnés dans le monde entier. L’invention de la pizza hawaïenne est la preuve ultime que la pizza, une fois sortie de Naples, est devenue une toile vierge sur laquelle d’autres cultures pouvaient projeter leurs propres saveurs.

Les gardiens du temple : l’association qui se bat pour protéger la « vraie » pizza napolitaine

Face à la multiplication des variantes, des pizzas à croûte épaisse aux garnitures les plus extravagantes comme l’ananas, une réaction s’est organisée en Italie pour protéger l’héritage originel. En 1984, l’Associazione Verace Pizza Napoletana (AVPN) a été fondée à Naples. Sa mission : promouvoir et protéger la « vraie pizza napolitaine » dans le monde entier. Pour l’AVPN, la pizza napolitaine n’est pas une simple recette, mais un art qui obéit à des règles strictes, codifiées dans un cahier des charges international.

Cette démarche de protection a culminé en 2017, lorsque l’art du pizzaïolo napolitain a été classé au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Cette reconnaissance n’est pas pour le plat lui-même, mais pour le savoir-faire, le geste et la culture qui l’entourent. Loin d’être un mouvement passéiste, l’AVPN certifie des pizzerias à travers le monde qui s’engagent à respecter la tradition. Le Canada, terre d’innovation pizzaiolesque, compte aussi ses « gardiens du temple ».

Étude de cas : les pizzerias certifiées AVPN au Canada

À Toronto, des établissements comme Pizzeria No. 900 et Pizza e Pazzi sont parmi les rares à détenir la prestigieuse certification AVPN. Comme le rapporte un article de BlogTO, obtenir ce label signifie respecter un protocole rigoureux, de la farine utilisée à la température du four. Cela démontre une tension fascinante au sein même de la diaspora : tandis que certains innovent, d’autres se consacrent à la préservation de l’authenticité la plus pure.

Mais alors, comment reconnaître une « vraie » pizza napolitaine ? L’AVPN a défini des critères très précis qui permettent de distinguer l’authentique de la copie.

Votre plan d’action : vérifier l’authenticité d’une pizza napolitaine

  1. Les types reconnus : Vérifiez si la pizzeria met en avant la Margherita (tomate, mozzarella, basilic) et la Marinara (tomate, ail, origan, huile), les deux seules variantes officiellement reconnues comme traditionnelles par l’AVPN depuis 1984.
  2. La technique de la pâte : Observez le pizzaiolo. L’usage du rouleau à pâtisserie est formellement interdit. La pâte doit être étalée à la main, avec un geste caractéristique qui pousse l’air vers les bords pour créer la fameuse croûte (le cornicione).
  3. La farine et la fermentation : La pâte doit être faite à partir de farine de type « 00 » et avoir fermenté au moins 24 heures pour garantir sa légèreté et sa digestibilité.
  4. La cuisson : Une vraie pizza napolitaine cuit dans un four à bois à une température d’environ 485°C (900°F) pendant une durée très courte, généralement entre 60 et 90 secondes. Cette cuisson-éclair la saisit, la laissant moelleuse et légèrement humide au centre.
  5. L’aspect final : La pizza doit être souple, avec une croûte gonflée et tachetée (léopard). On doit pouvoir la plier « en portefeuille » (a portafoglio) pour la manger.

Au-delà de la pizza : le tour d’Italie en 5 plats symboles de leur région

La pizza est devenue un tel phénomène planétaire qu’elle éclipse parfois la richesse et la diversité de la gastronomie italienne. Chaque région d’Italie possède ses propres plats emblématiques, façonnés par sa géographie, son histoire et son économie locale. Comprendre cette diversité régionale, c’est comprendre que l’Italie culinaire est une mosaïque de terroirs, bien au-delà de la seule pizza napolitaine. La Cucina Povera a donné naissance à une myriade de trésors.

De la Lombardie à la Sicile, chaque plat raconte une histoire. Le risotto crémeux de Milan parle des rizières de la plaine du Pô, tandis que le pesto de Gênes évoque les collines côtières couvertes de basilic. Cette richesse a, elle aussi, traversé l’Atlantique. Grâce à la diaspora italienne, il est aujourd’hui possible de faire un véritable tour d’Italie culinaire sans quitter le Canada. De nombreux restaurants, souvent fondés par des familles d’immigrants, s’attachent à préserver et à célébrer ces saveurs régionales authentiques.

Vue macro de différents ingrédients italiens régionaux disposés artistiquement représentant la diversité culinaire

Le tableau suivant propose un petit voyage à travers cinq plats régionaux iconiques et suggère des adresses au Québec et au Canada où l’on peut les déguster dans le respect de la tradition. C’est une invitation à explorer la profondeur de la gastronomie italienne, bien au-delà de la Margherita.

5 plats régionaux italiens et où les déguster au Canada
Région Plat emblématique Facteur socio-économique Où le déguster au Québec/Canada
Lombardie Risotto alla milanese Rizières de la plaine du Pô Bottega (Montréal)
Émilie-Romagne Tagliatelle al ragù Tradition de pasta fresca Moccione (Montréal)
Ligurie Pesto alla genovese Culture du basilic côtier Fiorellino (Montréal)
Rome Carbonara Cuisine des charbonniers Vesta (Montréal)
Sicile Arancini Influence arabe historique Via Mercanti (Toronto)

Comment la poutine a conquis le monde (et ce que le monde lui a fait en retour)

L’épopée de la pizza offre un cadre fascinant pour comprendre comment un plat local devient une icône mondiale. Or, le Canada, et plus particulièrement le Québec, possède son propre exemple de ce phénomène : la poutine. Née dans les années 1950 dans le Centre-du-Québec, la poutine était à l’origine un plat simple et roboratif, destiné à caler les petites faims dans les casse-croûtes de campagne. Ses trois ingrédients de base – frites, fromage en grains et sauce brune – sont l’équivalent québécois de la simplicité de la pizza napolitaine.

Pendant des décennies, la poutine a été regardée avec un certain mépris, considérée comme un plat peu raffiné. Mais, tout comme la pizza, elle a fini par transcender ses origines modestes pour devenir un puissant marqueur identitaire québécois, puis canadien. Elle est passée du statut de « junk food » à celui de plat emblématique célébré et réinterprété par les plus grands chefs. Cette ascension est notamment marquée par des événements qui célèbrent sa popularité croissante.

Le festival « La Poutine Week » est un exemple frappant de cette consécration. Ce qui a commencé comme un événement local est devenu un phénomène international. Selon les données de la manifestation, La Poutine Week est devenue le plus grand festival de poutine au monde avec plus de 700 restaurants participants et 350 000 clients.

Étude de cas : l’internationalisation de la Poutine Week

Tout comme la pizza portée par la diaspora italienne, la poutine voyage. Dès 2015, le festival s’est exporté à l’international, avec des restaurants participants à Brooklyn (New York) et en Australie. L’année suivante, l’expansion s’est poursuivie avec des adresses en Argentine, au Brésil, en Angleterre, en France et en Nouvelle-Zélande. Ce succès montre que, comme la pizza avant elle, la poutine est devenue une « toile vierge » sur laquelle les chefs du monde entier projettent leurs propres saveurs, créant des versions au foie gras, au homard ou encore au kimchi.

La vraie carbonara (sans crème) et autres secrets des plats que vous pensiez connaître

Le débat sur la « vraie » pizza napolitaine fait écho à de nombreuses autres controverses culinaires qui animent les passionnés de gastronomie italienne. L’une des plus féroces concerne sans doute les pâtes à la carbonara. Pour beaucoup de Nord-Américains, ce plat évoque une sauce crémeuse, souvent agrémentée de lardons ou de bacon. Pour un Romain, une telle recette est une hérésie. La carbonara authentique est un monument de simplicité et de saveur qui ne contient que cinq ingrédients : du guanciale (joue de porc séchée), du pecorino romano (fromage de brebis), des œufs (surtout le jaune), du poivre noir fraîchement moulu et des pâtes.

La crème n’a jamais fait partie de la recette originale. L’onctuosité est obtenue par l’émulsion du gras du guanciale, du jaune d’œuf et de l’eau de cuisson des pâtes, un savoir-faire précis qui illustre une fois de plus le génie de la cuisine italienne. Cette divergence entre la recette originale et ses adaptations populaires est un exemple parfait de la manière dont les plats voyagent et se transforment, souvent au détriment de leur essence.

Retrouver le goût de l’authentique peut alors devenir une véritable quête. Heureusement, au Canada, la présence d’une communauté italo-canadienne dynamique et de nombreuses épiceries fines permet aujourd’hui de trouver les ingrédients nécessaires pour recréer ces plats dans le respect de la tradition. Il suffit de savoir où chercher pour se procurer les produits qui font toute la différence entre une pâle imitation et une expérience gustative véritable.

Les points clés à vérifier : où trouver les vrais ingrédients italiens au Canada

  1. Pour le guanciale : Cherchez dans les charcuteries italiennes spécialisées comme Milano Foods à Montréal ou Pusateri’s à Toronto. C’est l’alternative non négociable au bacon pour une carbonara authentique.
  2. Pour le pecorino romano : Ce fromage de brebis piquant est essentiel. Vous le trouverez dans des fromageries de renom comme La Bottega Nicastro à Ottawa ou Cheese Boutique à Toronto.
  3. Pour la farine Caputo « 00 » : Si vous voulez faire votre propre pâte à pizza napolitaine, cette farine peu raffinée est indispensable. Elle est disponible dans des épiceries comme le Centre Latina à Montréal ou Grande Cheese à Toronto.
  4. Pour les tomates San Marzano DOP : Pour une sauce tomate au goût incomparable, recherchez cette appellation d’origine protégée. On la trouve dans des épiceries fines comme Drogheria Fine à Edmonton ou Bosa Foods à Vancouver.

À retenir

  • La conquête mondiale de la pizza n’est pas due au mythe de la reine Margherita, mais à la philosophie de la Cucina Povera, un art de transformer des ingrédients simples en plats savoureux.
  • La diaspora italienne créative a été le vecteur de cette diffusion, adaptant la pizza aux goûts et aux ingrédients locaux, comme en témoigne l’invention de la pizza hawaïenne au Canada.
  • Il existe une tension productive entre authenticité et adaptation, incarnée d’un côté par l’AVPN qui protège la tradition, et de l’autre par les innombrables variantes qui enrichissent l’univers de la pizza.

Oubliez le tex-mex : pourquoi la vraie cuisine mexicaine est l’une des plus grandes gastronomies du monde

L’histoire de la pizza, avec sa distinction entre l’originale napolitaine et ses adaptations commerciales américanisées, offre une grille de lecture parfaite pour comprendre le destin d’une autre grande cuisine mondiale : la cuisine mexicaine. Tout comme la pizza, la cuisine mexicaine traditionnelle est reconnue par l’UNESCO comme patrimoine immatériel de l’humanité (depuis 2010). Et tout comme la pizza, ce qu’une grande partie du monde connaît d’elle est en réalité une version simplifiée et américanisée : le tex-mex.

Le tex-mex, avec ses tortillas de blé frites, son fromage jaune abondant et ses sauces simplifiées, est à la cuisine mexicaine ce que la pizza à croûte épaisse et surchargée est à la pizza napolitaine. C’est une adaptation commerciale, savoureuse certes, mais qui occulte la complexité, la diversité régionale et la profondeur historique de la gastronomie originelle. La vraie cuisine mexicaine, c’est l’art de la nixtamalisation du maïs, la complexité des moles (sauces pouvant contenir des dizaines d’ingrédients) ou la fraîcheur des ceviches de la côte.

Le tableau suivant met en parallèle ces deux phénomènes d’adaptation culturelle et commerciale, montrant des similitudes frappantes dans la manière dont des plats authentiques et raffinés ont été transformés pour plaire à un marché de masse.

Pizza américanisée vs Tex-Mex : les adaptations populaires qui ont éclipsé l’original
Aspect Pizza napolitaine originale Pizza américanisée Cuisine mexicaine traditionnelle Tex-Mex
Texture Fine, humide, souple Épaisse, sèche, rigide Tortillas nixtamalisées Coquilles dures
Complexité Simplicité raffinée Surcharge d’ingrédients Moles complexes Sauces simplifiées
Authenticité Certification AVPN Adaptation commerciale UNESCO 2010 Fusion commerciale

Finalement, l’histoire de la pizza nous enseigne une leçon universelle sur la culture. Un plat, comme une langue ou une musique, n’est pas figé. Il vit, il voyage, il se transforme au contact d’autres peuples. La pizza est devenue italienne dans les rues de Naples, mais elle est devenue mondiale dans les mains des immigrants à Montréal, New York ou São Paulo. Elle est à la fois un bastion de tradition jalousement gardé et une toile d’expression créative sans limites.

L’étape suivante est simple : partez à la découverte de ces saveurs authentiques, que ce soit en essayant une recette traditionnelle ou en visitant l’une des adresses qui, au Canada, honorent cet héritage avec passion.

Rédigé par Jean-Martin Tremblay, Jean-Martin Tremblay est un historien de la gastronomie et auteur, avec plus de 20 ans de recherche sur le patrimoine culinaire québécois. Son expertise réside dans sa capacité à retracer l'origine sociale et culturelle des plats traditionnels.